Les écrans et les enfants de moins de 3 ans

Pourquoi tant de discussion autour de ces écrans, présentés un temps comme la révolution du XXI°s ? Les écrans ont envahi notre quotidien et c’est bien par ce biais qu’ils sont arrivés dans le monde duveté de lapetite enfance.

L’industrie trop contente d’accompagner cette tendance en voyant là un nouveau marché s’est faufilée dans la faille pour proposer des écrans “kid-proof”:  grosse tablette avec poignée de manipulation, application dite ludique estampillée “educative” ou “adaptée au développement du tout petit”. On a même droit à des applications censées développer telle ou telle compétence de l’enfant.

Dans un autre contexte, nous ne serions pas tombés dans le panneau. Mais niveau temporalité, ça tombait bien :  l’éclatement géographique des familles qui laissent les jeunes parents loin de toute assistance familiale, la charge mentale dans le foyer, la pression du travail et l’ingéniosité du marketing vantant les mérites de telle ou telle plateforme, chaine pour bébé…

Oui il y a bien une chaine pour les tout petits sur le TNT : Gulli où les “cry babies” exhibent leurs formes rondes et leurs douces couleurs devant un “tout public” complètement hypnotisé.

Ces écrans sont devenus assez rapidement une nounou efficace et pas chère. Après quelques expositions régulières, les écrans ont la capacité à faire taire les enfants, tout en ayant une paralysie complète du système musculaire… Oui ils ne courent plus partout (Enfin !) et ils ne bougent plus… Le muscle masséter en profite pour faire une pause et laisse littéralement tomber la mâchoire inférieure. Laissant notre petit bout avec l’expression ébahie et béate d’un paresseux tentant de gober des mouches. Bref, le rêve.

Bien que cette pause puisse être la bienvenue et non problématique si elle est exceptionnelle, elle devient littéralement pathogène lorsqu’elle est régulière et quotidienne, voire pluriquotidienne. Et c’est bien là le problème : la régularité de l’exposition.

Pour ceux qui voudrait lire le rapport sur l’usage des écrans rendus au gouvernement au mois d’avril dernier,  c’est par là : 



Le développement de l'enfant

Le nouveau-né humain est le plus immature du règne animal. Il lui faut au moins 10 ans (16 ans minimum en occident) pour être autonome. Il va lui falloir apprendre beaucoup de choses, mais c’est aussi parce qu’il a le plus gros potentiel par ailleurs.

 

Mais pour exprimer un potentiel, il doit être utilisé ! Et avant 3 ans, ce que l’enfant doit apprendre est assez simple, mais primordial pour la suite.

On parle du langage bien sûr (les sons, les mots, mais aussi le langage du corps : la reconnaissance des mimiques), les compétences motrices (lève-toi et marche !) et les compétences fondamentales pour la suite de ses capacités cognitives : les capacités d’attention et de concentration.

À la question “comment apprennent les enfants ?” On répond par l’expérimentation et le mimétisme. Ils regardent leur entourage, ils essaient et essaient encore.

Cet « entrainement », créé de nouvelles connexions neuronales et faire apparaitre de nouvelles compétences. De fait, un enfant va donc continuer une expérience qui “fonctionne” et laisser tomber ce qui ne marche pas.

C’est à ce moment-là que la particularité “statique” de l’écran devient un problème. Devant “Cry babies Pat Patrouille ou Peppa pig » , un enfant va sourire, il va tenter de parler à “Greeny” (Un personnage du “Cry babies”), mais celui-ci ne va pas lui répondre. Pire il s’en fiche carrément !! (pour ne pas dire autre chose)

Qu’à cela ne tienne, notre petit bout essaiera une prochaine fois… peut-être que Greeny faisait la tête ce matin ! 

Ce lien entre l’enfant et la personne en face de lui est primordial, c’est “l’accordage affectif” . Quand il sourit pour les premières fois, le fameux “sourire aux anges”, les parents le pensant heureux vont reproduire ce sourire… Il y a interaction ! Un moment rempli d’émotion qui va favoriser de nouvelles interactions, renforçant ainsi les réactions de bébés dans un cercle vertueux d’échange et d’apprentissage des codes de la communication… le son, le regard, la mimique.

Le bébé est un être de communication, qui ne demande qu’à développer ses apprentissages :

  • Ils démarrent par une imitation quasi innée, véhiculée par les neurones miroir, actifs dans tout échange humain
  • Puis ils prennent de l’ampleur et s’inscrivent dans le temps par la mise en route de processus créatifs qui alimentent les échanges et les complexifient.

Tout cela marche avec Papa, maman (ou tout autre sapiens bienveillant), mais pas avec Marcus (le dalmatien dans Pat Patrouille)… qui décidément n’en a rien à faire de notre petit bout. Si Marcus est trop présent dans le quotidien de notre petit bout… il va finir par en faire une règle du genre :

  • Cela ne sert à rien d’interagir avec les autres, ils ne répondent jamais.

Qui finira par se répercuter sur son comportement :

  • Donc, je ne réponds pas, je ne parle pas et je ne regarde pas dans les yeux.

Ce qui reste assez problématique, soyons honnête.

Pour ceux qui vont dire qu’il y a des applications qui favorise les apprentissages, développent la conception spatiale… ou quoi que ce soit d’autre, je dirais que manipuler un cube sur une application 2D est proche de l’intérêt zéro parce qu’il ne se coordonne pas avec la manipulation manuelle, le toucher, l’expérimentation de l’empilement, de la chute, de la construction, du bruit qui va avec… du jeu que cela introduit et appelle la fratrie. C’est tout cela l’apprentissage. C’est ce qui développe le cognitif : FAIRE DU LIEN.

Or l’écran chez le tout petit (et les autres aussi), ne fait pas de lien, il isole.

 



Isolement par les écrans

Il isole sensoriellement, socialement, et c’est pour ça qu’avant 3 ans les écrans ne sont pas une bonne idée.

En condensé, résumée cela donne : pas d’écran avant 3 ans, pas de télé dans la même pièce qu’un tout petit et s’il doit y avoir des moments où on utilise l’écran pour gagner un peu de calme (dans le TGV, dans une salle d’attente), cela doit rester exceptionnel et cela reste une utilisation partagée. On joue avec son enfant, on l’accompagne et on lui fournit ainsi l’interaction que l’application n’est pas en mesure de générer.

Un écran n’est pas un garde d’enfant, une télé n’est pas une berceuse, un téléphone portable n’est pas un jouet.

Faut-il les interdire avant 3 ans ? Dans un monde et une société où l’on aurait pensé une éducation sanitaire et une éducation à la parentalité, cela n’aurait pas été nécessaire…

Mais nous voilà en 2024, dans une société où la prévention n’existe pas et où l’on considère que la vie familiale fait partie de la vie privée.  Résultat, on voit de plus en plus de “solution” qui révèle leur potentiel pathogène.

On a rendu obligatoires les vaccins contre les maladies infantiles, on a rendu les masques obligatoires pendant le covid, on va interdire les écrans avant 3 ans…

Et si on se rendait compte que l’on manque d’une éducation sanitaire, pour tous ?  D’une éducation à la parentalité pour tous ?

La contrainte ne convainc pas, la contrainte impose… mais ne résiste pas au temps et à la difficulté inhérente à l’éducation d’un enfant. Et pour ne pas « tomber » dans la facilité de mettre son enfant devant un écran, il faut avoir compris le risque qu’on lui fait prendre…

 

La parentalité c’est “Naturel”, mais ce n’est en aucun cas inné et encore moins facile. Surtout dans un monde où être parent, n’a plus rien à voir avec le modèle de leurs propres parents… 25 à 30 ans plus tôt.

La problématique des écrans ne s’arrête pas à 3 ans, mais se projette au delà. Souvent avec les troubles du sommeil et un risque accru au harcèlement. On en discute par là :