Attaque sur un professeur…Le terrorisme et les enfants, Comment on en parle ?

Attaque sur un professeur. Comment on en parle aux enfants ?

Déjà une année et pourtant c’est toujours tout frais dans nos esprits… Cette attaque aberrante dans une école, un professeur à terre. Malheureusement, on ne peut même plus dire que c’était la première fois… Le tout dans un contexte où deux guerres se « jouent » en arrière plan de notre quotidien. Bref, c’est pas la joie Des informations que l’on a pas forcément envie d’entendre mais qui nous rattrape et surtout rattrape nos enfants… sur l’internet, les réseaux sociaux ou tout simplement à l’école, au cours de piano/judo/foot….

Pour les tout-petits, il est fort probable que cela n’arrive pas jusqu’à eux et c’est probablement mieux ainsi. Pas besoin de devancer la chose. En revanche s’ils vous questionnent après avoir entendu des choses à l’école (ou ailleurs) il est important d’y répondre.

C’est vrai qu’on peut être tenté d’éviter le sujet, mais les enfants parlent entre eux dans les cours de l’école et surtout ce sont de véritables éponges émotionnelles. Ils vous entendent, ressentent votre confusion/votre colère et de fait, sont au courant que quelque chose ne tourne pas rond. Concrètement ils ont alors juste besoin de savoir que vous êtes là pour les protéger eux des méchants et qu’il est permis d’avoir peur. Votre travail de parents est de contrebalancer le choc des images et des mots qu’il/elle aurait vus et/ou entendus, et bien entendu de répondre aux questions (aussi nombreuses soient-elles) et de les rassurer.

Finalement de faire office de zone tampon entre lui/elle et la réalité… Oui, sur ce principe on reste dans un rôle bien connu. Au moins ça…

Se positionner comme référence

Répondre aux questions de vos enfants est une phase primordiale. Vous vous placez ainsi en tant que référent, et il peut alors s’appuyer sur vous. Concrètement qui a envie de dire à ses bouts de chou qu’il y a des gens assez mal pour en venir à l’idée de prendre un fusil et aller tuer des gens sans trop savoir pourquoi ?

Ceci étant, attention à vos réponses ! Si vous mentez, il y a de fortes chances qu’ils s’en rendent compte lorsqu’ils confronteront vos réponses avec celles des copains…

Et si votre parole est mise en doute, elle risque de l’être aussi lorsque vous essayerez de les rassurer. Soyons clairs, l’idée n’est pas de leur décrire le carnage de la fusillade et la technique de l’attaque-surprise, mais d’adapter votre discours en fonction de l’âge et de la maturité de votre enfant. Même un tout petit est capable de comprendre que des terroristes/méchants ont fait du mal aux gens. La figure du méchant n’est pas une inconnue pour les enfants : la sorcière, le loup, le monstre… Ils sont très présents dans leurs imaginaires et les aident à comprendre la notion du bien et du mal, ainsi qu’à apprendre à gérer leurs émotions. Ce n’est évidemment pas un enseignement facile, et ils ont besoin de vous pour que d’un apprentissage on ne tombe pas dans la peur panique voire la phobie.

Si comme tout parent, vous avez droit à la question : 

                     « Il est mort ? Pourquoi ils l’a tué ? »

On tombe de facto dans la même problématique qu’évoquée précédemment où vous risquez d’être pris en flagrant délit de mensonge. À 4 ans, le « C’était pour ne pas t’inquiéter » risque de ne pas être compris à sa juste valeur, d’autant plus que chez l’enfant la notion de « mort » est multiple et évolutive. D’une complète indifférence avant 2 ans, on arrive à l’apparition d’angoisse existentielle qui suppose la crainte de la perte réelle vers l’âge de 11 ans. Entre les deux, de nombreuses phases, où perception mythique de la mort côtoient les représentations concrètes telles que le squelette, le cimetière… Le tout soumis à d’autres facteurs tels que la façon qu’à l’adulte de parler de la mort à l’enfant, le contexte social et culturel, les expériences personnelles et familiales….

Donc au final, après analyse fine du contexte, de l’âge et de la sensibilité de votre enfant, j’aurai tendance à dire qu’on peut répondre par l’affirmative à cette question. 

Poser des limites

Par contre hors de question de lâcher un « oui » et de le laisser se débrouiller tout seul avec ça.

 À nous de poser les questions, de lui demander s’il a peur (c’est normal d’avoir peur) et s’il a d’autres questions. En finissant cette discussion, il est important que votre enfant sache que si d’autres questions lui viennent plus tard, il peut revenir vous voir pour les poser. Une fois la parole libérée, cela évitera à votre enfant de rester avec ses questions sans réponses, qui ne manqueront de nourrir son angoisse.

D’un autre côté, il est tout aussi important de préciser le caractère extraordinaire de cette violence, de rappeler les limites qu’elle a transgressées et les conséquences que cela implique. Non, pas pour faire un cours d’éducation civique, mais pour faire passer le message que les limites sont là pour permettre de vivre en société. Et que l’on constate que lorsque celles-ci sont transgressées, cela peut mettre à mal toute une société.

De votre côté, vous avez envie/besoin de regarder les infos, très bien ! Mais il est aussi important de faire en sorte que vos tout jeunes enfants ne soient pas devant le poste à ce moment-là et c’est clairement aussi le moment (si vos trop jeunes enfants ont des comptes sur les réseaux sociaux) de vérifier que leurs réseaux sociaux ne contiennent pas de contenu inapproprié. C’est d’autant plus vrai que le conflit israel Il est important de (ré)investir le temps numérique de nos enfants, de partager cette activité et de les accompagner au mieux. L’internet n’est pas qu’un jeu, cela peut être un formidable outil (d’information ou autres) mais qui aujourd’hui est complètement infecté par une multitude de fake news qu’il est parfois difficile de discerner. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il y a des enfants et des adolescents derrière l’écran.

Aujourd’hui ces fausses rumeurs s’invitent au-delà des sites dits d’informations, elles utilisent les réseaux sociaux pour se diffuser et devenir « virale ».. Au point que là aussi, on en ait perdu la chaine de transmission. Sur internet, il est facile de construire un décor idyllique à une idéologie pathogène… et sachez qu’une fausse information circule six fois plus vite qu’une vérité sur les réseaux sociaux. Par conséquent, la fausse information a bien plus de chance d’atterrir dans le smartphone de votre ado… (oui j’ai dit « ado » parce qu’un enfant n’a pas à avoir un smartphone ou une tablette perso)

Pour les plus grands, le besoin de réassurance se conjuguera avec le besoin de comprendre.   Là aussi il est important de faire passer le message que le sujet n’est pas tabou et que vous êtes là pour répondre à leurs interrogations. Ils vont entendre beaucoup de choses à l’école, certaines seront vrais et cohérentes d’autres le seront beaucoup moins. Il faut qu’il puisse revenir vers vous. C’est primordial ! 

Vous avez des ados qui sont curieux de ce que devient leur monde ? Voici quelques pistes pour les accompagner dans leurs réflexions géopolitiques

Mais C’est quoi le terrorisme ?

Il n’y a pas de consensus à l’heure actuelle parmi les spécialistes sur une définition unique du terrorisme. Cependant on s’accorde sur le fait que le phénomène n’est pas nouveau et qu’il a la capacité de recouvrir des réalités diverses selon ceux qui le mènent, leurs objectifs et le point de vue dans lequel on se place. C’est pour cela que l’on peut entendre que le terroriste de l’un peut être le résistant de l’autre. Mais un résistant s’en prendra aux forces ennemies alors que le terroriste frappe sans distinction… et souvent des civils.

Le terrorisme peut avoir plusieurs formes, un détournement d’avion, une attaque au couteau au hasard dans la rue ou une attaque ciblée. La constance est un usage d’actes de violence en vue de créer un climat d’insécurité. Du latin « terror » = terreur, le but est de faire peur. Le terrorisme est un acte politique, où recherchant la notoriété et à mettre en péril les systèmes démocratiques. Le terrorisme est aujourd’hui identifié comme la menace princeps pesant sur la sécurité des pays occidentaux.

A quoi ca sert ces attaques ?

Les attentats et attaques qui secouent nos sociétés aujourd’hui à travers le monde sont véhiculés par la haine, rancœur et l’incompréhension que nous avons les uns des autres. Pour ne pas nous faire nous-mêmes les relais de cette déferlante de ressentiment et de vengeance, essayons de comprendre et d’expliquer.

Aujourd’hui le terrorisme se focalise autour de la notion de « l’Autre ». Renvoyer la responsabilité d’une difficulté sur l’Autre permet de ne pas avoir à se remettre en question dans son fonctionnement et/ou agissement.

Fragilisés par la difficulté d’intégration ou à se reconnaître dans les valeurs que la société occidentale véhicule aujourd’hui, certaines personnes se sont laissé convaincre qu’il existait un « monde meilleur » où ils seraient enfin reconnus à leurs justes valeurs… être utile, ou même être quelqu’un tout simplement. En utilisant cette fragilité, il devient alors « aisé » pour les groupes terroristes de modeler les esprits et de les mener à participer à la construction de « ce monde meilleur » … qui passe entre autres par l’organisation d’attentats et/ou attaques pour dénoncer les « erreurs » de l’organisme/pays/société et/ou communauté ciblée.

Ces dernières années en Europe, la menace terroriste est multiple et portée par le djihadisme, l’extrême droite, l’extrême gauche/anarchisme et le terrorisme ethno nationaliste/séparatiste (moins depuis 2016). À noter que le dernier rapport d’Interpol rapporte une nette majorité du terrorisme djihadiste et du terrorisme des extrêmes politiques en Europe.

En ce qui concerne le terrorisme perpétré en Occident, on se retrouve face à des personnes qui ont développé une pensée où la France/l’Occident est présenté comme leur ennemi. Ils confondent alors la laïcité avec un sentiment antireligieux qu’ils prennent comme une attaque personnelle pour leurs valeurs et leurs convictions. D’autre part la tension ressentie vis-à-vis des signes religieux et de caricatures religieuses a pu cristalliser les croyances déjà affectées par certains épisodes de notre histoire (passé et plus récente). Les attentats ont alors pour but de porter atteinte aux idéaux sociétaux de l’Occident/France, d’ébranler la société ainsi que les valeurs qu’elles portent, afin de laver l’offense ressentie dans leur identité et leur honneur.

Le terrorisme d’extrême droite se fait entendre en Europe depuis quelques années, mais aussi à travers le monde. En Norvège en 2011, en Nouvelle-Zélande en 2019, en Allemagne en 2020 et tout récemment en Australie et en France à Paris le 23 décembre dernier.

L’histoire regorge d’exemple où l’humiliation a suscité des émotions au point de diriger l’action des hommes, parfois en réaction immédiate, parfois sur plusieurs générations voire des siècles. C’est ce que l’on appelle la géopolitique des émotions et qui façonne notre monde à travers la peur, la vengeance, mais aussi l’espoir. (Si ça vous intéresse, je vous conseille vivement « La géopolitique de l’émotion » de Dominique Moïsi) et cette composante du terrorisme est commune à toutes les idéologies… qu’elles soient politiques, religieuses ou autres.

Le terrorisme excelle dans sa capacité à marquer les esprits. Une particularité renforcée par l’impact médiatique majeur, d’autant plus vérifié depuis l’apparition de l’information en continu (chaines d’informations en continu relayées par les réseaux sociaux). Sans oublier le filtre des fausses informations qui circulent et viennent encore complexifier la lecture des événements.                                                                     

D’où vient le terrorisme islamiste

Al Qaïda, ou même Daesh trouvent leurs origines dans la résistance aux puissances étrangères envahissant certains pays d’Orient et du Moyen-Orient. La Russie en Afghanistan dans les 90, et l’Irak en 2003 avec la coalition USA/UK/Australie alors à la recherche d’armes de destruction massive inexistante. (Mais ça, c’est une autre histoire… enfin presque une autre histoire).

Dès 2003, les conditions de captivités et les humiliations subies par les prisonniers irakiens par les forces de la coalition ont transformé les centres de détentions en véritable pouponnière de ce que deviendra Daesh, en fusionnant à l’occasion avec la branche irakienne d’Al Qaïda (elle aussi détenu dans les mêmes prisons).  

En ce qui concerne le terrorisme islamiste perpétré en Occident, on se retrouve face à des personnes qui ont développé une pensée où la France/l’Occident est présenté comme leur ennemi. Ils confondent alors la laïcité avec un sentiment antireligieux qu’ils prennent comme une attaque personnelle pour leurs valeurs et leurs convictions.

D’autre part la tension ressentie vis-à-vis des signes religieux et de caricatures religieuses a pu cristalliser les croyances déjà affectées par certains épisodes de notre histoire (passé et plus récente). Les attentats ont alors pour but de porter atteinte aux idéaux sociétaux de l’Occident/France, d’ébranler la société ainsi que les valeurs qu’elles portent, afin de laver l’offense ressentie dans leur identité et leur honneur.

À noter tout de même que malgré le ressenti d’une suite incessante d’attentat en Europe, seulement 5% des attaques terroristes se passent dans les « pays non en guerre » parmi lesquels on compte l’Occident. Le dernier rapport « Global Terrorism index 2023 » de Institute for economics & peace estime le Sahel comme étant la région du monde le plus en détérioration en 2023. Malgré cela, l’Afghanistan garde le triste record de pays le plus impacté par le terrorisme. Les dix pays aujourd’hui les plus impactés par le terrorisme sont par ordre décroissant : Afghanistan, Burkina Faso, Somalie, Mali, Syrie, Pakistan, Irak, Nigeria, Myanmar et  Niger.

Pour permettre de se faire une petite idée ; en 2018, l’Afghanistan a connu 837 attentats, entrainant la mort de 1426 personnes et 2199 blessés. Des pays où non content de transformer l’horreur de l’attentat en quasi-banalité, le terrorisme cible les centres de santé dans le but encore une fois de toucher en plein cœur. Comment tuer l’espoir de manière plus radicale que d’éliminer la possibilité du soin alors qu’on vient déjà de se faire blesser par un attentat en ville ?

En abolissant la frontière entre le civil et le militaire, le terrorisme transforme le monde entier en cible potentielle, ce qui alimente le sentiment d’insécurité et de peur au sein de la société civile. C’est parce qu’il peut arriver n’importe quand et n’importe où (lors d’une virée shoping sur les champs Élysée, lors d’un concert ou même à la sortie d’une école) que le terrorisme provoque autant de peur. Une peur qui reste disproportionnée face à la réalité objective de la menace. Mais c’est tout là le pouvoir du terrorisme d’aujourd’hui, cibler la peur et nous toucher en plein cœur : nos enfants, nos loisirs, notre liberté.

Qu’est-ce qu’on fait ??

Une réponse militaire, bombardement et représailles… c’est parfois tentant avouons le, surtout lorsqu’on est sous le choc de cette extrême émotion, de la colère et de l’incompréhension parfois.  Cependant « œil pour œil, dent pour dent » c’est déjà une politique qui nous a menées jusqu’à notre problématique actuelle… Et qui/où cibler lorsque le groupe terroriste n’a pas d’emprise territoriale, comme c’est souvent le cas.

Pour être véritablement efficace, il nous faut d’abord saisir les rouages et le fonctionnement du terrorisme. Cherche à comprendre. Ne pas réfléchir aux conditions qui ont suscité ce mouvement de haine revient à lutter contre les effets sans lutter contre les causes. Cela nous amène invariablement dans une impasse.

A-t-on vraiment envie de continuer l’escalade de la violence et de la colère ? On a aujourd’hui besoin d’une solution politique sur le terrain. Mais on a surtout besoin de ne pas laisser ce sujet aux seules mains de nos dirigeants. Le terrorisme attaque la société civile, c’est à la société civile de construire sa réponse et sa parade. Demandons-nous si ces jeunes et moins jeunes qui se sentent rejetés ou ne se reconnaissent plus dans notre société (qu’ils s’appellent Khaled, Coralie ou Thomas, qu’ils soient issus de la seconde génération de migrant ou d’une lignée 100% auvergnate) … est-ce que ça ne serait pas à nous (la société civile) de faire un pas, de leur donner leur chance ici, pour qu’ils n’aient pas la tentation d’aller la chercher dans le radicalisme… quel que soit sa couleur, rouge, bleu marine ou noir.

 

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