Oui et bien voilà vous l’avez fait… et maintenant ?
Vous l’avez toutes lu, et vous l’avez toute fait lire à votre moitié qui consciencieusement s’est dit qu’il allait prendre sa part de « charge mentale », en ressentant pour la première fois une once d’objectivité sur la situation, accompagnée d’une petite pointe de culpabilité… Un peu à la manière d’un enfant que l’on prend la main dans le placard a biscuit juste avant le diner, il va faire amende honorable et bien se comporter pendant 8 jours, 15 si vous êtes chanceuse !
Il fallait demander ! Oui et bien voilà vous l’avez fait… et maintenant, what’s next ?
À noter qu’on va nommer votre moitié Charlie pour clarifier mes propos. (je m’excuse déjà auprès de tous les Charlie (H/F), mais c’est pour la bonne cause) D’autre part, la BD évoque un couple avec une maman Wonderwoman, ceci étant il n’est pas exclu d’avoir à faire à un à la situation inverse. Par souci de clarté, on va garder le genre et l’organisation initiale de la BD, mais on peut tout à fait extrapoler les remarques qui vont suivre à l’ensemble des couples, hétéronormés ou pas d’ailleurs.
La charge mentale, un joli mot pour exprimer une notion pas toute jeune et qui vous rend l’heureuse héritière de quelques siècles de pensée occidentale sur le rôle de l’homme et la femme. Le sujet n’est pas nouveau, les suffragettes, les féministes, Simone Veil… la liste est longue et nous voilà encore aujourd’hui en 2020 à nous demander où est donc cette fameuse égalité ?! Nous ne sommes pas les seuls à nous poser la question, l’ONU en a fait un ODD (objectif du développement durable) pour 2030 : ODD N°5 : Égalité entre les sexes !! Vaste programme !! Comme dans tout objectif de « behavior change » (changement des comportements), l’outil principal, nécessaire et indispensable : c’est l’éducation. Ça prend du temps et pour que l’égalité des genres soit une évidence en 2030 il nous faut commencer maintenant. Là aussi rien de nouveau, je vous renvoie à Bourdieu qui évoquait il y a de ça plusieurs décennies le règne de la dinette et du petit train comme porteur des rôles sociaux à venir.
Votre Charlie a vous est déjà grand et (soi-disant) éduqué ? Ce n’est pas grave !! Contrairement à une idée répandue, on peut apprendre et changer tout au long de la vie. Bon… J’admets un petit bémol pour certains Charlie déprimé ou porteur d’autre pathologie du DSM V, auquel cas il faudra les requinquer d’abord (si possible) avant d’entamer leurs « makeover ».
Donc cette charge mentale, on en fait quoi ? Tout d’abord, il faut bien considérer que chaque situation/contexte est unique, et par conséquent ne pas considérer ce qui va suivre comme un modèle absolu et reproductible quelques que soit les circonstances.
Deuxième chose, si vous voulez partager votre charge mentale il va vous falloir accepter que les choses soient faites de façon différente. On retiendra le mantra « similaire, mais pas identique », lorsqu’avec horreur vous constaterez que la purée maison faite avec amour a été remplacée par une purée en flocon déshydratée et regonflée à l’eau en omettant la noix muscade. L’important est que vos têtes blondes aient mangé sans faire de crise (pour une fois) et on ne s’offusque pas d’entendre le petit dernier déclamer son amour pour la purée de papa.
Et enfin troisième chose tout aussi importante : laisser l’espace nécessaire au changement. Je m’explique : vous ne pouvez pas espérer que votre moitié se charge de mettre la table le soir si systématiquement vous l’avez mise le matin avant de partir au boulot. Je ne veux même pas entendre « Oui, mais c’est pour gagner du temps » …
- Vous êtes optimiste (ou naïve au choix) et vous attendez que l’autre (votre conjoint, votre boss, votre amie, votre voisin) change de façon spontanée. Pourquoi pas ? Moi je veux bien on ne sait jamais… Mais soyons honnêtes, ça a peu de chance de se produire.
- « Je change ma façon de réagir devant le comportement de Charlie pour générer un changement de sa part »
J’entends déjà les « pourquoi c’est toujours à moi de faire les choses ? On parle de partager la charge mentale et voilà qu’encore une fois ça me retombe dessus. » Pour cette question là je vous renvoie au petit 1 sus évoqué : «Vous êtes optimiste (ou… » . D’autres parts on n’oublie pas que c’est à vous que le fonctionnement habituel ne convient pas.
Je précise également que le fait que vous ayez l’opportunité de faire changer les choses en changeant vous-même ne veut pas dire que vous êtes responsable de ce fonctionnement. Par contre, ça met en évidence que vous avez en main les outils du changement !! Ça c’est la good news !
Pour illustrer un peu, disons que c’est un peu comme un duel à l’épée. Lorsque que vous voulez occire votre adversaire sans risquer de vous faire mal, vous reculez d’abord, il avance et d’un coup vous portez le coup/vous posez votre touche (en fonction du contexte). L’important est là de constater que vous avez été à l’initiative de ce qui a enclenché le mouvement de votre adversaire. Dans la vraie vie, c’est la même chose, si vous voulez obtenir un mouvement de la part de Charlie, il vous faudra bouger la première. Après, toute la subtilité de l’exercice est de trouver le mouvement qui induira le bon changement. Ce n’est pas une mince affaire, mais par petite touche, vous arriverez à trouver le bon levier.
Comment fait-on ?
Tout part du principe que le changement que vous allez demander ou espérer est un effort. Il est important alors de considérer et comprendre la notion « d’effort inutile ».
Qu’est-ce qu’un effort inutile ? Un effort inutile c’est par exemple : cesser de laisser son linge sale sur le sol de la salle de bain (ou sur le tabouret si vous êtes chanceuse), quand celui çi réapparait systématiquement lavé, plié et rangé (pire, parfois même repassé) dans son placard moins de 48h plus tard. Il faut savoir que tout être humain du XXI° est dans l’économie du geste, on ne fait pas d’effort inutile. Quel intérêt de changer quelque chose qui marche déjà très bien ? Aucun… on est bien d’accord.
On en conclut assez facilement que « L’effort inutile n’existe pas ». Il est donc primordial de créer un intérêt à l’effort attendu.
Concrètement pour rester sur l’exemple de la salle de bain, le jour où le linge commence à être plus présent au pied de la baignoire que dans son placard, il y aura peut-être prise de conscience que non, il n’y a pas d’elfe de maison chez vous (ni Dobby ni aucun autre !)
Si devant cette prise de conscience on vous assène un :
– Oui, mais je ne sais pas faire marcher la machine !
Le développement psychomoteur de l’être humain nous apprend que dès 6 ans l’enfant rentre dans la période opératoire dite des « opérations concrètes ». Cela veut dire qu’il prend conscience de sa capacité à effectuer des transformations réversibles sur le réel à partir de manipulations. C’est une bonne nouvelle !! En gros, ça veut dire qu’il est capable de mettre le linge dans une machine et appuyer sur un bouton pour la faire fonctionner. D’autre part et de façon plus prosaïque, j’aurai tendance à dire qu’à partir du moment où l’on sait jouer aux jeux vidéos ou que l’on sait se servir d’un smartphone on est en capacité de faire fonctionner un lave-linge. Au pire vous pouvez toujours télécharger le mode d’emploi de votre « SAMSUNG hublot 7KG » sur internet et subtilement l’ « airdroper » sur son smartphone pendant qu’il joue a candy crush ou 2048… Noter au passage que c’est une manœuvre qui fonctionne aussi très bien avec votre adolescent hypnotisé par sa console.
On constate au final que si vous cessez de ramasser le linge par terre alors que Charlie est toujours sous la douche… il finira par le faire tout seul. À la seule condition d’être systématique et pérenne dans vos actes. Si vous ramassez le linge un jour sur deux, ou même une fois dans la semaine… La probabilité pour qu’au final le jour où vous ramassez le linge soit aujourd’hui sera toujours considérée assez élevée pour le tenter. Attention, ça ne veut pas dire qu’il laisse son linge sciemment par terre pour que vous le ramassiez (enfin si ça arrive, mais on est alors dans une autre problématique), mais plutôt que l’inconscient filtre les informations utiles et déclenchent une sorte de fonctionnement réflexe toujours basé sur la notion d’effort inutile : À partir du moment où ça fonctionne tout seul, inutile de faire un effort ou même de penser à faire un effort.
D’autre part, il est nécessaire et indispensable de discuter avec Charlie de ce que vous attendez l’un de l’autre sur cette question. (Vous pouvez toujours en profiter pour faire un tour plus global des attentes de chacun, mais il est tout de même préférable de garder ce sujet pour plus tard… d’autant plus qu’il traitera probablement de la charge émotionnelle… ) Il est important de savoir ce que l’autre attend de vous parce qu’on est souvent totalement à côté de la plaque. Par conséquent on s’épuise à faire un effort qui n’est pas attendu, donc pas reconnu. En conclusion, on est frustrée pour finir par s’énerver contre l’autre. Ou pire, ne plus faire d’effort du tout puisque « de toute façon ça ne sert à rien !»… On rentre alors dans une sorte de cercle vicieux, un peu complexe a résoudre.
Pour en sortir, on écoute et surtout on verbalise, bref on communique !! Exprimer ses attentes et demander à Charlie qu’elles sont les siennes. Cela nous évitera probablement de passer la soirée à faire une confiture maison de kumquat (comme belle-maman) et mettre le chaos dans la cuisine, alors qu’il n’aime pas ça (même s’il ne l’a jamais avoué à sa mère) et ne rêve que de « Crunchy d’Ovomaltine » qui était interdit chez ses parents.
Au final on retiendra le mantra : effort attendu = effort reconnu
Pour ce qui est de l’espace nécessaire au changement disons deux trois petites choses, en donnant un exemple plus parlant.
SI vous avez convenu que Charlie ira faire les courses vendredi après le boulot :
- Ne lui faites pas la liste des courses, il est censé savoir autant que vous ce dont la famille a besoin
- Ne faites pas les courses la veille entre midi et deux en argumentant que de toute façon vous aviez le temps ou que vous préférez choisir vous-même votre paquet de jambon pour ne pas avoir de nervure dedans, ou encore qu’il oublie toujours le yaourt pour votre cadette intolérante au lactose…
Laisser de l’espace au changement c’est accepter de ne plus tout contrôler, et c’est clairement une des problématiques du lâcher-prise. Donc… tant pis pour la nervure du jambon (ou alors on éduque Charlie) et tant pis aussi pour les enfants habillés en rose et orange non coordonnés le matin !! De toute façon, on n’est pas une mère parfaite, mais « suffisamment bonne » ! Au pire Justine apprendra dans la journée que non… le rose et l’orange ne vont pas ensemble et se chargera de le dire à son père la prochaine fois qu’il sera « du matin ».
À noter que si on se retrouve avec un peu de temps pour soi, le but n’est pas d’en profiter pour aller faire la queue à la sécurité sociale pour régulariser cette feuille de soins d’oct. dernier (c’est sur la « to do list » depuis 27 sem), mais d’arriver à vous poser la question : de quoi j’ai envie pour moi ? Cette question qui peut vous sembler incongrue est primordiale et nécessaire pour préserver votre équilibre, et ainsi éviter le burnout professionnel et/ou familial.
Vous êtes une professionnelle, c’est vrai ! Une mère/épouse/compagne c’est aussi le cas, mais attention à ne pas oublier que vous êtes aussi une femme avec ses envies propres.
En gardant comme objectif la sérénité (l’atteindre/s’en rapprocher au choix) on va cibler l’équilibre des trois sphères de nos vies : le professionnel, le familial et le personnel.
Au final, une fois que votre charge mentale sera partagée… Votre nouveau challenge, ou disons plutôt l’étape N°2… sera de penser à vous occuper de vous !